HOMMAGE PAR YAD VASHEM
En l’Honneur des Arméniens Justes parmi les Nations
Jeudi 5 Juillet 2012 au Mémorial de la Shoah à Paris,
des Arméniens ont été distingués Justes parmi les
Nations par l’Institut Yad Vashem (חסידי אומות העולם).
A
l'initiative de l'Aumônerie Israélite des Armées et de l'Association
Nationale des Anciens Combattants Arméniens (ANACRA), une cérémonie
solennelle conjointe a été organisée.Cet événement a bénéficié du
concours de l'Ambassade d'Arménie à Paris et de la présence de
Jean-Raphaël Hirsch, président du Comité français pour Yad Vashem.
Lors de cette
cérémonie, Alfred-François Beurkdjian était à l'honneur. En effet, si
ses parents Yervante et Elbis Beurkdjian
(photo) ont reçu le titre et la médaille des Justes par l'Institut Yad
Vashem, A.F Beurkdjian n'a pas bénéficié de cette distinction en
raison de son statut de mineur à l'époque des faits. Juste de fait, il
est mentionné dans le Livre des Justes de France: âgé seulement de 10
ans à l’époque des faits, obéissant à ses parents, pendant que
ceuxs-ci organisaient le déménagement de la famille Goldhamer chez eux
à Colombes, le jeune Alfred-François faisait le guet pour prévenir de
l'arrivée des nazis.
L'AIA a tenu à
honorer ce Juste de fait en lui remettant officiellement la médaille
de l'Aumônerie israélite des armées, avec ses remerciements et sa
bénédiction pour lui et ses parents.
Pour mémoire, c’est le 18 Octobre 1982, fondée sur le témoignage
d’Hélène Goldhamer que la Commission pour la désignation des Justes a
décerné le titre de Juste à Yervante et Elbis Beurkdjian.

Outre la famille Beurkdjian, Monseigneur Norvan
Zakarian, devant une assemblée recueillie debout, a énuméré les noms
d’autres arméniens de la diaspora distingués “Justes parmi les
Nations“ :
Vincent & Ursule Dalian (Paris, France), Albert, Makrouhi & Berthe
Hougassian (Lyon, France), Georges & André-Gustave Dilsizian (France),
et Ashkhen & Parunak Agopyan (Odessa, Russie), Ara Jeretzian
(Budapest, Hongrie), Arut and Natalya Zagoruyko-Kisheshyan et leur
fille Almaza Kisheshyan (Kharkov, Ukraine), Vartan Mkrtchyan et sa
mère Arkal Shakhbazian, Knarik, (Kharkov, Ukraine) Aram & Felicia
Taschdjian (Vienne, Autriche), Grigori & Pran Tashchiyan, Asmik
Mkhikyan-Tashchiyan, Tigran Tashchiyan (Simferopol, République
autonome de Crimée de la Fédération de Russie). Les noms de tous ces
“Justes“ sont inscrits sur le mur Yad Vashem à Jérusalem.
Discours d’Antoine Bagdikian,
Président de l’ANACRA
Merci au Grand Rabbin Haïm Korsia, à Véronique
Ghidalia et à l’équipe de l’Aumônerie Israëlite des Armées d’avoir
apporté tout leur cœur pour réunir autant de personnalités dans ce
haut lieu de la mémoire juive.
Nous mesurons l’insigne Honneur de nous retrouver tous
ici, descendants et rescapés de deux nations martyres et du plus
effroyable des crimes : le crime de génocide. Le premier perpétré en
1915 par les Jeunes Turcs a fait 1 500 000 victimes et a détruit
pratiquement toutes les populations chrétiennes de l’empire ottoman.
Le second a englouti 6 000 000 de Juifs dans des conditions
innommables qui dépassent l’entendement humain.
Et dans le chaos de
la seconde guerre, quelques lueurs d’humanité et de courage : les
Justes et c’est la raison d’être de ce soir, les Justes arméniens : 25
dont 10 en France avec le symbole arménien de la main tendue :
M. André François Beurkdjian.
Je dois vous dire qu’après l’annonce de cette
initiative, initiée par les Anciens Combattants et Résistants
arméniens et l’Aumônerie israëlite des Armées, soutenue par
l’ambassade d’Arménie et rejoint avec bonheur par l’ambassade
d’Israël, de nombreuses voix se sont élevées pour nous signaler
d’autres Arméniens qui ont apporté leur assistance à des Juifs en
danger. Je reprendrais simplement l’exemple de notre président
d’honneur, officier de la Légion d’Honneur,et dernier survivant du
Groupe Manouchian, M. Arsène Tchakarian, ici présent. Avec la
complicité de quelques policiers du cmmissariat de Montrouge, il a
réussi à faire effacer la mention « Juif » sur les papiers de 3
descendants de M. Lévy Medi Mercados, Juifs de Turquie, exilés en
France. Cela les a sauvé des rafles et bien sur du pire. Certains sont
encore vivants.
Si la cérémonie de ce soir permettait d’assurer un
prolongement en réveillant d’autres pans de l’Histoire , alors le
succès serait encore plus grand. Mais déjà ce soir, c’est une pierre
de plus, dans ce que nous avions appelé, avec Haïm, l’an dernier, lors
de la notre cérémonie à la synagogue des Armées, la construction d’un
nouveau dialogue judéo-arménien.
Toutefois, il y a eu d’augustes prédécesseurs à cette
construction.
Henry Morgenthau, ambassadeur des Etats Unis en Turquie
en 1915, de confession juive, qui racheta la survie d’Arméniens au
bourreau Talaat Pacha qui lui répondait cyniquement : « pourquoi
dépenser tout cet argent, de toute façon, nous allons tuer tous les
Arméniens ! » Morgenthau a un mausolée en Arménie
Franz Werfel, écrivain juif autrichien, avec son livre
prémonitoire de la montée du nazisme » Les 40 jours de Moussa Dagh »
qualifié par Elie Wiesel de chef d’œuvre. Et Messieurs Israël Charny
et Yaïr Auron de Jérusalem qui mènent le combat pour la reconnaissance
du génocide, et plus proche de nous, Bernard Henri Lévy et M. Serge
Klarsfeld, ici présent, qui sont montés au créneau pour défendre la
loi de pénalisation des génocides et qui poursuivent avec nous,
courageusement la lutte contre le négationnisme.
Je voudrais terminer cette trop courte énumération,
car il y a tant d’autres exemples, en citant également Mélinée
Manouchian, veuve de Missak Manouchian , héros de l’Affiche rouge
fusillé le 21 février 1944 au Mont Valérien avec ses 22 compagnons
dont 10 étaient de confession juive. Quand je lui demandais les
raisons profondes de son engagement, car enfin les Arméniens n’étaient
pas poursuivis. De plus elle venait de se marier et n’a même pas eu le
temps d’avoir un enfant !
Elle m’a répondu : « Missak et moi étions tous deux
orphelins du génocide, mais nous ne pouvions pas rester ainsi, à voir
des famille juives arrachées de leur maison, comme nous à l’époque, et
déportées pour être tuées, comme nous ». Elle voyait la même main
allemande qui a armé le bras turc en 1915 et qui s’abattait maintenant
sur les Juifs.
On ne peut ici que magnifier ces témoignages en
regardant encore M. Beurkdjian : Des juifs qui sauvent des Arméniens
... des Arméniens qui sauvent des Juifs..
Le plus grand enseignement que l’on tirer de ces
braves, le symbole pour l’avenir, et en fait ce qu’il doit rester de
cette soirée, au-delà de l’Hommage légitime rendu aux Justes, c’est
que nous devons être dignes de leur exemple et de leur courage. Nous
devons continuer ensemble ce combat contre l’inhumanité de l’Homme.
Plus jamais, les 2 nations martyres les plus meurtries
du Monde doivent ignorer la douleur et la persécution de l’autre .
Chaque Arménien devrait se sentir concerné quand un
Juif est atteint, comme encore ce matin, par la haine, le racisme et
l’antisémitisme.
Aucun Juif ne devrait supporter la négation du
génocide des Arméniens, ou cautionner le négationnisme, encore moins
être complice du blocage de la loi sur les Génocides.
Si cette communion de combat avait existé, nul doute
que les immenses dégâts que nous avons subi, tous deux, n’auraient pas
été les mêmes.
Je terminerai avec deux phrases :
Elie Wiesel : « tolérer le négationnisme, c’est tuer
une seconde fois les victimes »
Bernard Henri Lévy : « A ceux qui seraient tentés de
jouer au jeu de la guerre des mémoires, je veux répondre en plaidant
pour la solidarité des Génocidés ».
Paris, Mémorial de la Shoah 5 juillet 2012
Antoine Bagdikian
C’est Véronique Dubois Ghidalia,
Aumônier israélite des armées, qui a remis la médaille à
Alfred-François Beurkdjian
Pour clore l’hommage rendu à la mémoire des Justes,
Mourad Amirkhanian interpréta le Der Voromia et Philippe Darmon, le
Chant de la paix (Sim Chalom), entrecoupées par la Prière pour la
république française dite par l’Aumônier Joël Jonas et le Kaddish, par
l’Aumônier David Elfassi.
Étaient présents à la cérémonie, le Grand Rabbin Haïm
Korsia, Aumônier général israélite des armées ; Antoine Bagdikian,
Président de l’ANACRA ; Jean-Raphaël Hirsh, Président du Comité
français pour Yad Vashem ; Monseigneur Norvan Zakarian, Primat du
Diocèse de l’Église apostolique arménienne de France ; Jean-Pierre
Allali, membre du Comité exécutif du CRIF ; Alexis Govcyan, Président
du Conseil de Coordination des Organisations Arméniennes de France ;
Roger Fichtenberg, vice-président de l’AJPN ((Anonymes, Justes et
Persécutés durant la période Nazie), et Président de l’Union des
Associations d’Anciens Combattants et Victimes de Guerre du 11e
arrondissement, ainsi que le représentant de l’ambassade d’Israël en
France, M. Elad Ratsan ; l’ambassadeurs d’Arménie, Viguen Tchitetchian ;
l’adjoint au Maire de Paris Pierre Shapira ; des représentants de la
Fondation pour la Mémoire de la Shoa ; les représentants des autorités
militaires ; Arsène Tchakarian, compagnon de Missak Manouchian et les
historiens Yves Ternon et Dickran Kouymjian.
La cérémonie s’est achevée aux accents de la
Marseillaise.
Voir le diaporama de photos : Thomas Wallut (chrétiens orientaux)
PREMIERE PIERRE DU DIALOGUE
JUDEO-ARMENIEN AUTOUR DE L’AFFICHE ROUGE
Dialogue Judéo-Arménien
Honneurs aux Combattants de la Liberté
Cérémonie du 21 Février 2012
68ème anniversaire de l’exécution du Groupe Manouchian
Le seconde
édition du dialogue Judéo-Arménien, organisée par l’ANACRA,
conjointement sous les auspices du Grand Rabbin Haïm Korsia, Aumônier
israélite des Armées et Antoine Bagdikian, Président de l’ANACRA, s’est
déroulée le 21 février 2012, jour anniversaire commémoratif de
l’exécution des 22 résistants du groupe Missak Manouchian, dans la salle
communautaire de la cathédrale arménienne apostolique de la rue Jean
Goujon à Paris. Une salle devenue exigüe au fil des minutes précédent la
cérémonie, puisque plus de 250 Juifs et Arméniens se serraient dans une
atmosphère de franche amitié pour écouter les hommages rendus à ceux qui
avaient sacrifiés leurs vie pour que leurs frères et sœurs puissent
vivre dans un pays libre.
Cette cérémonie, en hommage aux Arméniens et Juifs morts pour la France,
fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien, perpétue le lien
intemporel entre ceux qui, non français, ont offert leur vie au Pays des
droits de l’homme au non de la Liberté. Parce qu’ils aimaient la France
et qu’elle les « avait adopté ». Ils étaient apatrides, Juifs-polonais,
Arméniens, Italiens, Hongrois, un Espagnol et un Français.
Dans son
discours, le Grand rabbin Haïm Korsia, mettra en exergue le formidable
élan de solidarité créé par le Groupe Manouchian. Citant le prophète
Isaï dans le Chapitre 55 : « Car ma maison sera Maison de prière pour
tous les peuples », il évoquera ensuite un passage de l’Exode : « ils me
feront un tabernacle et moi je résiderai en eux. » Une apparente
contradiction dans la formulation du texte interprétée par « et moi je
résiderai en lui ». « Le véritable tabernacle de Dieu », dit-il, « est
là. Il est là parce que nous sommes tous ensemble, avec nos différences.
Avec les différences revendiquées. L’hommage d’aujourd’hui »
-s’adressant à Arsène Tchakarian-, « c’est le véritable résultat de leur
action [celle des résistants]. Ils étaient tous différents chacun avec
leur nationalité. Leurs soirées avant les combats, leurs soirées de
réflexion devaient ressembler à nos soirées. Avec des prières et des
chants. Chacun dans sa langue. Chacun dans ce qui lui rappelait cette
ère de tranquillité qu’il avait dû connaître ; qu’il espère retrouver.
Mais ce qui est important ; dans sa dernière lettre à sa femme,
Manouchian l’a écrite en français. Il l’a écrite en français parce que
c’était la langue avec laquelle il essayait de construire. Nous ne
sommes pas à leur hauteur » dira le Grand rabbin : « Nous sommes portés
par leur élan. Le Groupe Manouchian c’était le visage de la France.
Comme nous sommes aujourd’hui, ensemble, dans notre diversité, nous
sommes à nouveau, nous, le visage de la France. La France a toujours été
ce pays qui se construit parce qu’à un moment quelqu’un vient et rêve de
cet idéal. Il rêve de liberté d’égalité et surtout peut-être plus que
tout de fraternité. Le Groupe Manouchian a été capable de construire
cette fraternité. Et je voudrais conclure en citant Elie Wiesel ; qui a
peut-être dit la chose la plus bouleversante qui soit : « Vivre une
expérience et ne pas la transmettre c’est la trahir. » « Eh bien,
lorsque nous sommes ici ensemble, j’ai le sentiment de ne pas trahir ce
qu’ils ont vécu. Et j’ai le sentiment, à mon tour, avec vous tous, de
participer à l’idée fondamentale de transmettre ce qu’ils ont vécu.
Parce que en étant ensemble nous donnons vie à leur histoire à leur
rêve. ce qu’ils ont vécu. Il faut savoir prendre le temps de faire un
pas de côté et savoir dire merci à ceux qui nous permettent d’être
ensemble aujourd’hui. C’est quelque chose qui relève de ce qui est
profondément le judaïsme qui consiste à savoir reconnaître ce qu’on doit
aux autres. Nous devons tous, relativement, beaucoup au Groupe
Manouchian. Pas parce qu’ils ont fait dérailler ou sauter des trains...
Mais parce qu’ils ont vécu l’espoir de la France ensemble. »
A son tour,
Antoine Bagdikian, Président de l’ANACRA, commencera son discours en
évoquant la Une du journal « Actualité communautaire juive » qui titrait
« la première pierre dans la construction du dialogue judéo-arménien » à
l’issue de la première cérémonie en 2011, à la synagogue
Chasseloup-laubat.
« En fait , la toute première pierre, c’est vous qui l’avez posée, M.
Richard Prasquier, en 2007 (1), quand vous avez répondu à notre
invitation au déjeuner à l’Ecole militaire lors de la commémoration du
90ème anniversaire de la création de l’Association des Volontaires
arméniens , jumelée le même jour avec l’Hommage aux Fusillés de
l’Affiche rouge.
Ensuite le relais a été assuré par une prière en hébreu, dans l’après
midi, au Mont Valérien, sur la Dalle des Fusillés, par le Grand Rabbin
Haïm Korsia, suivi par une prière en arabe par le Grand Imam de le
Mosquée de Paris et une prière en arménien par Monseigneur Norvan
Zakarian.
Nous répéterons chaque année en ce même 21 février, cette cérémonie
d’hommage et de mémoire car ces Résistants ne doivent pas tomber dans
l’oubli et pour rappeler cette inoubliable Affiche rouge, que les
Allemands placardaient sur les murs de Paris pour inspirer la terreur,
et si cette Affiche était si rouge c’était du sang mêlé de nos Héros.
Nous garderons, entre autres, les 2 symboles des chefs de réseau de ce
Groupe : Joseph Epstein, juif polonais et Missak Manouchian, arménien,
qui se retrouvent pour lutter contre la barbarie nazie. « Ces deux
figures emblématiques de la résistance française oeuvrent sans relâche
pour le retour de le Liberté et de l’Indépendance de leur Patrie, même
s’ils n’étaient pas citoyens français, et révèlent par leur sacrifice
suprême, l’intime dénominateur commun liant les peuples juif et arménien
: le devoir de justice », écrira Haïm Ouizemann.
Et Mélinée Manouchian, l’épouse de Missak, elle-même grande résistante,
me déclarait : « Missak et moi étions deux orphelins du génocide, nous
n’étions pas poursuivis par les nazis, nous aurions pu rester cachés,
mais nous ne pouvions pas rester insensibles à tous ces meurtres, à
toutes ces déportations de Juifs par les Allemands, car je voyais la
main de ces mêmes Allemands qui encadraient l’armée turque lors du
génocide des Arméniens ». Un autre parallèle dans nos Histoires .
1921. Berlin. Soghomon Tehlirian, Arménien, assassine Talaat Pacha,
ex-ministre de l’intérieur du gouvernement « Jeune-Turc », principal
instigateur du génocide arménien. Cinq ans plus tard, en 1926, à Paris,
Sholem Schwartzbard, Juif français d’origine ukrainienne, assassine
Simon Petlioura, ancien président du Directoire ukrainien (1918-1919)
jugé responsable de pogroms perpétrés sur des milliers de Juifs
d’Ukraine (*1). Plaidant volontairement coupables et accusés de meurtre,
Tehlirian et Schwartzbard sont acquittés. Même destin pour ces deux
hommes, l’un Arménien, l’autre Juif.
Le voilà, le grand symbole qu’il nous reste à cultiver : la solidarité
et la fraternité pour engager des combats au nom des grands idéaux,
dignes de l’héritage que nous ont laissé ceux qui sont morts pour leur
conviction. La commémoration de ce soir n’est pas seulement le rappel du
passé, et l’hommage aux morts juifs ou arméniens, c’est aussi , le
rappel que leur héroïsme doit nous donner un élan pour la défense des
grandes valeurs de l’Humanité et c’est assurément aux 2 peuples martyrs
que nous sommes, qu’il appartient de mener ce combat.
Je parlais de
pierres que nous avions posées mais il y en a eu d’autres, illustres et
prestigieuses ;
- M. Henry Mongenthau, Ambassadeur des Etats-Unis, témoin oculaire des
faits qui a même acheté la survie de villages entiers d’Arméniens,
rapportait dans ses Mémoires la réponse de Talaat, un des trois
ordonnateurs du génocide : « Pourquoi perdre cet argent , de toute façon
bientôt, il ne restera plus aucun Arménien » et aussi« Il faudra tous
les détruire car sinon il faudra craindre leur vengeance ». Morgenthau a
un mausolée en Arménie que visitent ses descendants fiers de lui ;
- M. Franz Werfel, écrivain autrichien, qui a laissé avec son roman «
Les 40 jours du Moussa Dagh » un impressionnant témoignage des faits.
Son livre est précurseur de la montée du nazisme ;
- M. Elie Wiesel, immense personnage qui a bien compris le livre de
Werfel en le qualifiant de chef d’œuvre, écrit en réaction au
négationnisme turc : « tolérer le négationnisme, c’est tuer une seconde
fois les victimes ».
- Le manifeste de 116 rabbins des Etats Unis qui déclarent que ne pas
reconnaître le génocide des Arméniens est contraire à l’esprit de la
Shoah et indigne d’Israël ;
- Maître Forster, dont la mère était sur la liste de Schindler, qui
défendit gratuitement les Arméniens et fit perdre au tribunal le
négationniste Bernard Lewis ;
- Messieurs Israël Charny et Yaïr Auron de Jérusalem et à Paris MM.
Bernard-Henri Lévy et Serge Klarsfeld qui prennent même le micro devant
le Sénat pour en appeler à la loi de protection et s’opposer fermement à
la négation turque, etc.
Est-ce aussi le moment de rappeler les paroles du président de la
Knesset, Reuven Rivline qui déclare sans ambages, lors de la commission
parlementaire du 26 décembre 2011 : « Le devoir moral nous incombe de
nous souvenir et de remémorer la tragédie qui toucha le peuple arménien
; il ne s’agit point d’un sujet politique mais de l’expression d’une
position éthique de la plus haute importance ; il en va de notre devoir
moral, comme Juifs et hommes, de reconnaître les tragédies des autres
peuples. Le peuple juif ne peut pas rester indifférent au génocide du
peuple arménien. Des considérations diplomatiques, aussi importantes
soient elles, ne nous permettent pas de nier la catastrophe d’une autre
nation »
Haïm Ouizemann rappelle dans la rubrique Israël Flash les paroles
d’Hitler en 1939 : « qui se souvient du massacre des Arméniens » et
ajoute « C’est cette même indifférence à l’égard du peuple arménien qui
a frappé les Juifs 25 ans plus tard ».
Il y a aussi un autre domaine où la solidarité devant les négationnismes
devrait s’instituer, c’est celui de la Loi contre la pénalisation des
génocides. Nous sommes honorés que, et je les cite encore, Bernard-Henri
Lévy et Serge Klarsfeld aient fait de notre combat leur combat et qu’ils
s’insurgent contre les députés ou sénateurs qui s’acharnent pour bloquer
la loi. Les arguments et les chicaneries administratives, et des textes
qui seraient contre la loi, et le parlement qui ne devrait pas ... Que
peut on donc répondre sinon que si un crime aussi honteux et aussi
immense qu’un génocide ne trouve pas sa place dans les textes, alors il
faut modifier les textes. Aucune constitution d’aucun pays ne peut
prévoir ce cas unique, un génocide révélé, mille fois révélé et comme
adversaire tout un pays, la Turquie, qui se dresse et menace, et
calomnie avec les pires horreurs , par exemple, contre Madame Valérie
Boyer, et qui fait reculer le parlement et le sénat de la France.
Personne n’était préparé à cet état de choses, et bien, que le courage
s’empare de nos élites pour trouver les textes qui conviennent : ce sera
toujours moins dangereux pour leur vie de manipuler des textes, que ces
pauvres émigrés transpercés de balles, morts pour que cette « élite »
ait le droit de vivre ..et d’écrire !!
En attendant, nous sommes blessés devant de telles tergiversations et,
doit on le dire dans cette enceinte de prière, encore plus profondément
blessés , quand ce sont des enfants de la shoah qui nous portent les
coups les plus durs et se révèlent les meilleurs amis des négationnistes
turcs. Toute cette énergie à nous démontrer que les textes ne laissent
pas de place à la protection du génocide des Arméniens, toute cette
science à nous faire mal, ne serait elle pas mieux orientée pour tenter
plutôt d’ ouvrir et de modifier enfin ces textes, 90 ans après le crime,
pour protéger les citoyens français que nous sommes, contre cette
cinquantaine d’atteintes et d’agressions par an à nos monuments de
mémoire. Quand de plus, il n’y a pas de la part de certains élus, comble
de la frustration, à édulcorer nos plaques commémoratives en enlevant
toute allusion au génocide la veille d’une inauguration !! Quand donc
cette vérité historique du génocide des Arméniens va t’elle enfin
s’imposer !
Alors, implorons tous ceux qui ont quelque pouvoir pour entrer dans ce
combat, et comme vous autres, chers Amis juifs, qui avez cette
protection de la Loi Gayssot, demandons leur cette loi de protection des
Arméniens, au nom des plus grandes valeurs dont nous sommes les
héritiers et que nous voulons défendre ! C’est ce combat qui sera digne
de l’héritage de nos Fusillés !
Car nul autre qu’un Arménien ne peut comprendre la douleur d’un Juif
encore sujet au racisme et à l’antisémitisme et nul autre qu’un Juif ne
peut aussi comprendre la douleur d’un Arménien quand il doit encore se
battre pour imposer la réalité de son génocide et chercher désespérément
à le protéger contre le négationnisme d’un puissant Etat, encore loin de
regarder en face son Histoire !
Je terminerai avec la phrase de Bernard-Henri Lévy : “A ceux qui
seraient tentés de jouer au jeu de la guerre des mémoires, je veux
répondre en plaisant pour la fraternité des génocidés. »
Interview de Richard Prasquier, Président du CRIF
« Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la
Liberté sauront honorer notre mémoire dignement » (Missak Manouchian).
Une phrase dont la résonance prend aujourd’hui une dimension
particulière.
Jean Eckian - photos & reportage.
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=77367
(1) Les premières rencontres arméno-juives ont trouvé leur origine sous
l’impulsion Jean-Pierre Allali et Ara Toranian voilà déjà plusieurs
années.
(2) discours de Bernard-Henri Levy prononcé le 19 janvier 2007 au Palais
de la Mutualité
mercredi 22 février 2012, |